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Comment
définir la réduction des dommages produits chez les
autres conducteurs de VL ?
Deux groupes de
caractéristiques doivent être envisagés pour
donner de la valeur aux facteurs susceptibles de réduire le
risque d’accident et la gravité de ses conséquences
pour l’ensemble des usagers quand il n’a pas été
évité.
Le risque lié
aux possibilités de vitesse très supérieures au
maximum autorisé est facilement caractérisable par la
vitesse maximale que peut atteindre le véhicule. Les véhicules
les plus rapides sont plus souvent impliqués dans les
accidents, quelles que soient les infrastructures utilisées et
les limitations de vitesse locales. Ce fait a été
établi par des assureurs qui intègrent la vitesse
maximale dans la formule de calcul établie par SRA pour
classer un véhicule apparaissant sur le marché. Il faut
remarquer que l’importance relative de ce facteur dans l’offre
actuelle s’est réduite puisque la vitesse maximale des
véhicules les plus lents s’est constamment accrue au
cours des dernières décennies. La quasi-totalité
des véhicules commercialisés dépassent 150 km/h.
Ce n’est pas parce que les marches les plus basses de
l’escalier ont été enlevées que le risque
est affaibli quand on saute de la marche la plus haute ! Nous
disposons heureusement de la totalité des données des
assureurs qui ont été régulièrement
publiées sur une longue période dans un document de
synthèse bisannuelle qui isolait la notion de dommages
corporels chez des tiers. Ce sont les meilleurs arguments pour
affirmer que le taux de fréquence des accidents avec dommages
corporels chez des tiers et le taux de gravité des accidents
(caractérisé par le coût moyen) s’accroît
avec la valeur du groupe dans lequel est classé ce véhicule,
ce groupe étant lui-même directement dépendant de
la vitesse maximale et de la puissance des véhicules.
Nous sommes
actuellement incapables de faire la part de la volonté d’aller
vite du conducteur qui achète une voiture très rapide
et de l’incitation à la vitesse produite par la capacité
d’un véhicule de rouler très vite, mais il n’est
pas nécessaire de disposer des ces « fractions
attribuables » pour deux raisons qui justifient la
pénalisation économique et à terme
l’interdiction des véhicules inutilement rapides :
le nombre d’accidents
survenant à très grande vitesse est loin d’être
négligeable et ils ne surviennent pas seulement sur les
autoroutes limitées à 130 km/h. Les autoroutes de
dégagement et les voies rapides, comme les routes nationales
et départementales sont également concernées.
La plupart de ces accidents à vitesse très élevée
n’auraient pas pu avoir lieu si le conducteur n’avait
pas pu atteindre la vitesse qui était la sienne lorsqu’il
a été confronté au risque d’accident.
L’accident qui a coûté la vie aux pompiers de
Lauriol est une illustration de ce constat ;
la relation entre les
caractéristiques d’un outil et son usage est prouvée
dans de très nombreuses circonstances. Une partie des progrès
observés dans la réduction du risque au travail a été
obtenue en interdisant que des caractéristiques
potentiellement dangereuses soient conservées au niveau d’une
machine ou d’un produit alors qu’elles ne sont pas
utiles à la fonction qu’elle doit assurer et qu’il
est techniquement possible de les supprimer.
Les contraintes
subies par les occupants de deux véhicules impliqués
dans une collision frontale survenant avec une vitesse d’impact
donnée pour chacun d’entre eux dépendent de
plusieurs groupes de facteurs :
Les masses respectives des deux
véhicules qui vont déterminer leurs variations de
vitesse lors de la phase de déformation des structures ;
Les dispositifs de protection
individuels (ceintures de sécurité, sacs gonflables) ;
La conception structurelle des
véhicules, qui va déterminer la nature et l’importance
des déformations subies.
Nous n’envisagerons
pas ici l’influence des dispositifs de sécurité
secondaire individuels, ils relèvent de la protection des
occupants des véhicules inclus dans les résultats des
essais effectués par l’EuroNCAP. Nous nous limiterons à
l’évaluation de la contribution au risque « pour
les autres » d’une part des masses respectives des
deux véhicules, d’autre part de leur conception
structurelle.
La
variation de vitesse de deux véhicules dans un choc frontal
dépend de leurs masses respectives.
Δv = Vitesse
relative x (M1 / M1 + M2)
Par
exemple si deux véhicules de masses identiques 1000 kg ont une
vitesse à l’impact de 10 m/s, leur vitesse relative est
de 20 m/s et le rapport entre la masse de l’un et le total de
leurs deux masses est de 0,5. La variation de vitesse sera identique
pour les deux véhicules, égale à la moitié
de la vitesse relative, soit 10 m/s (les deux véhicules
s’arrêtent sur place lors d’un choc frontal non
décalé et l’annulation de leur vitesse est bien
une variation de vitesse de 10 m/s). Il faut remarquer que dans cette
situation du choc frontal, seule la vitesse relative compte, si l’un
des deux véhicules était à l’arrêt,
l’autre ayant une vitesse de 20 m/s, la variation de vitesse
serait identique pour les deux véhicules. L’un serait
projeté en arrière à la vitesse de 10 m/s et
l’autre serait ralenti de 20 à 10 m/s.
La documentation du
lien entre le risque de blessures ou de mort et la variation de
vitesse lors d’une collision est assurée depuis de
nombreuses années, tant en France que dans d’autres pays
industrialisés ayant développé des études
accidentologiques. La relation entre les masses respectives des
véhicules entrant en collision lors de chocs frontaux et le
risque d’être tué pour les occupants est également
un fait reconnu par l’ensemble de la communauté
scientifique.
Le seul point en
discussion concerne l’intérêt pratique de faire
intervenir une caractéristique supplémentaire qui est
la compatibilité structurelle entre les véhicules qui
entrent en collision. Il est possible de concevoir des véhicules
qui produiront des lois de décélération
différentes lors d’une collision, leurs structures ayant
été conçues pour réduire l’agressivité
du véhicule lourd heurtant frontalement un véhicule
léger. Ces différences font appel à la notion de
« raideur » mécanique d’un
véhicule. Sans entrer dans le détail de cette
caractéristique, il est possible de la résumer en
indiquant qu’un véhicule d’une masse donnée
peut avoir un avant plus déformable qu’un autre véhicule
de même masse. Cette caractéristique ne joue pas
seulement sur la loi de décélération que subira
le véhicule adverse, il va également agir sur les
décélérations subies par l’occupant
ceinturé et éventuellement retenu par des sacs
gonflables. Un avant déformable représente de la
distance d’arrêt supplémentaire et donc du temps
supplémentaire pour subir la variation de vitesse, ce qui
permettra à la fois de réduire le maximum de
décélération et la décélération
moyenne. Les constructeurs tentent d’optimiser les contraintes
subies par les occupants en associant des possibilités de
déformation qui vont réduire la « brutalité »
du choc, à une rigidité de l’habitacle qui
permettra d’éviter les phénomènes
« d’intrusion » défavorables à
la protection. Ils peuvent également tenir compte de la masse
des véhicules et optimiser les caractéristiques
respectives de véhicules de masses différentes pour
éviter des pics de décélération très
brutaux aux occupants des véhicules les plus légers.
Des divergences se
sont manifestées entre les participants au groupe de travail,
non sur la réalité de ces problèmes de
compatibilité structurelle, mais sur la part de progrès
qui pourront être réalisés dans l’avenir
par une meilleure prise en compte de l’exigence de
compatibilité et sur les délais qui seront nécessaires.
Certains « progressistes » y voyaient une
source importante de réduction des risques pour les occupants
de véhicules relativement légers, d’autres plus
sceptiques estimaient qu’elles demeureraient limités si
les poids continuaient de s’accroître, les lois de la
physique demeurant incontournables et la variation de vitesse ne
pouvant que dépendre directement des rapports entre les
masses. Dans la situation actuelle, sans norme ni obligation pour
obtenir cette optimisation de la compatibilité structurelle,
il est impératif de faire évoluer les poids des
véhicules les plus répandus (les berlines de 4/5
places), dans des limites plus étroites que celles observées
actuellement, donc de pénaliser tous les véhicules très
lourds et pas seulement les 4x4. Pour éviter toute confusion
entre l’effet propre des vitesses maximales et des masses
respectives des véhicules dans la production de dommages chez
les autres conducteurs et les effets liés à la
structure des véhicules (formes et caractéristiques
mécaniques de leurs déformations lors d’un
impact), le groupe utilise systématiquement le terme
d’agressivité pour désigner le premier groupe de
faits et de compatibilité pour le second.
Si les constructeurs
se mettent d’accord entre eux ou si l’Union Européenne
est capable de leur imposer de nouvelles normes concernant la
compatibilité structurelle entre les véhicules, il sera
utile de prendre en compte ces nouvelles dispositions dans
l’évaluation du caractère citoyen des véhicules,
mais il faut conserver à l’esprit les notions
suivantes :
si ces normes sont optimisées
et applicables à tous les véhicules, elles ne
constitueront pas un facteur de différenciation de leur
citoyenneté,
il est possible que ces nouvelles
dispositions réglementaires soient effectives seulement dans
une dizaine d’années, elles peuvent également ne
jamais voir le jour,
Dans l’attente
de ces évolutions, le facteur utilisable pour noter la
protection des utilisateurs d’autres véhicules ne peut
être évalué que par une variable dépendant
de sa vitesse de circulation et de sa masse.
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